Les conditions requises pour que le contrat de mariage soit effectif

Même si le contrat de mariage est conclu et valide, il faut, pour qu’il soit effectif et non subordonné à la ratification d’un tiers, qu’il satisfasse aux conditions suivantes :

1/ Les deux parties contractantes qui participent à la formation du contrat de mariage doivent être pleinement capables, c’est à dire, sensées, pubères et de condition libre.

Si l’un des contractants n’est pas pleinement capable, soit parce qu’il est dément, soit parce qu’il est impubère, l’acte de mariage qu’il contracte est valide, mais son effet légal est subordonné à la ratification du tuteur de celui-ci. S’il le ratifie, le contrat est effectif ; sinon, il est considéré nul.

2/ Chacune des deux parties doit être qualifiée pour accomplir l’acte de mariage.

Si le contractant est un représentant non mandaté -fudûlî- et accomplit l’acte de mariage sans mandat et sans droit de tutelle ; ou s’il est mandaté mais va au-delà des pouvoirs que lui a donnés le mandant ; ou encore s’il est titulaire d’un droit de tutelle mais qu’un tiers a priorité pour s’arroger ce titre : dans tous ces cas, le contrat de mariage est valide s’il répond aux conditions de formation et de validité requises, mais il est en suspens jusqu’à ce que l’intéressé au contrat de mariage le ratifie.

Les conditions requises pour que le contrat de mariage soit contraignant

Le contrat de mariage est contraignant lorsque ses éléments constitutifs sont réunis et qu’il satisfait aux conditions qui le rendent valide et effectif. Si tel est le cas, ni les conjoints ni une tierce personne ne peuvent plus le dissoudre ou l’annuler, et il ne prend fin que par répudiation ou par décès.

Telle est la règle en matière de contrat de mariage. En effet, les fins pour lesquelles le mariage a été institué, comme fonder une union stable et assurer l’entretien et l’éducation des enfants, ne peuvent être atteintes que si le contrat est contraignant. Voilà pourquoi les docteurs de la loi ont dit :

« Les conditions requises pour que le mariage soit contraignant se résument à une seule condition: à partir du moment où le contrat est conclu, valide et effectif, aucun des deux époux n’a plus le droit de le dissoudre, car de fait,
si l’un d’eux possédait ce droit, le contrat ne serait plus contraignant. »
 

Dans quel cas le contrat de mariage est-il non contraignant ?

Le contrat de mariage est non contraignant dans les cas de figure suivants :

 Le contrat de mariage est non contraignant s’il est avéré que le mari a pratiqué une manoeuvre frauduleuse ayant pour objet d’induire sa femme en erreur, et vice-versa, comme, par exemple l’épouser sans l’informer de sa stérilité. En telle circonstance, l’épouse a le droit soit de dissoudre le contrat à compter du moment où elle a connaissance de la tromperie, soit de garder cet homme pour mari et l’accepter tel qu’il est.

On rapporte que ‘Umar (Radhiallahu anhu) a dit à un homme qui venait de se marier et qui était stérile :

« Dis à ta femme que tu es stérile et donne-lui un droit d’option. »
[ C’est-à-dire : « Laisse-lui le droit de choisir entre confirmer le mariage ou le dissoudre. »]
 

 Est aussi considéré comme vice rédhibitoire le fait qu’une femme épouse un homme censé être pratiquant et qui s’avère être dépravé. Ce vice confère à cette dernière le droit de dissoudre le contrat de mariage.
 

 Est également considéré comme vice rédhibitoire le cas qu’Ibn Taymiyya (Radhiallahu) a évoqué en ces termes :

« Si un homme épouse une femme à la condition qu’elle soit vierge, puis découvre, après consommation, qu’elle ne l’était pas, il lui appartient de dissoudre le contrat et d’exiger une indemnité consistant dans la différence entre la valeur de la dot de la femme vierge et celle de la femme qui a perdu sa virginité.  

Si le contrat est dissout avant consommation, le mari ne doit pas la dot. Le contrat n’est pas contraignant non plus dans le cas où le mari découvre chez sa conjointe un défaut tel qu’il rend malaisé les rapports conjugaux. Par exemple, le fait qu’elle soit affectée de métrorragies permanentes (istihâda), ce défaut fondant un droit à dissolution du contrat de mariage.» [ Dans AI-Ikhtibârât al-‘llmiyya wa Mukhtasar al-Fatâwâ d’Ibn Taymiyya.]
 

 On dira la même chose du cas où celle-ci est affectée d’un défaut qui empêche les rapports conjugaux, comme, par exemple, une occlusion vaginale. Sont également considérées comme vices rédhibitoires fondant un droit à dissoudre le contrat de mariage, les maladies rendant la vie commune périlleuse, comme la lèpre et la démence.

Et de même que le droit de dissolution est acquis au mari en tel cas, il est acquis à l’épouse lorsque son conjoint est affecté de lèpre, atteint de démence, castré, impuissant ou impubère.

L’opinion des juristes concernant la dissolution du mariage pour vice caché

Les juristes divergent sur cette question : d’aucuns estiment que le mariage ne peut être dissous pour vice, quelle que soit sa nature ; c’est là l’opinion de Dâwûd et Ibn Hazm  (rahimahullâh) [tous deux d’obédience dhâhirite].

Le zaydite As-San’ânî, auteur du Ar-Rawda an-Nadiyya,a dit à ce sujet :

« Sache qu’il est avéré en religion que le contrat de mariage est contraignant et produit ses effets, comme de rendre licite les rapports conjugaux, rendre obligatoire l’entretien de l’épouse et des enfants, confirmer les droits successoraux, et autres effets du contrat.

Sache également qu’il est avéré en religion qu’il n’y a rupture de mariage que par répudiation ou par décès. Par conséquent, quiconque prétend qu’il est possible de rompre le mariage par d’autres causes doit prouver qu’il est possible de contredire ce qui a été avéré en religion.

Quant aux vices que la partie adverse énumère, aucun argument clair et décisif ne permet de les déclarer fondés à dissoudre le contrat de mariage. Quant au dire prophétique sur lequel ils s’appuient, à savoir : « Rejoins ta famille ! », on rétorque que l’on peut l’interpréter comme une formule de répudiation. On dira la même chose de la dissolution du contrat pour cause d’impuissance au sujet de laquelle aucune preuve scripturaire sérieuse n’a été rapportée.

En outre, la règle veut que le mariage subsiste jusqu’à ce qu’il soit prouvé qu’il est rompu. Mais le plus étonnant dans tout cela, c’est que la partie adverse spécifie certains vices plutôt que d’autres.»
 

D’autres légistes sont d’avis que le mariage peut être dissout pour certains vices plutôt que d’autres ; c’est là l’avis de la majorité des docteurs de la loi. Ceux-ci se fondent, pour appuyer leur opinion, sur les arguments suivants :

  • Ahmad et Sa’îd Ibn Mansûr rapportent d’après Ka`b Ibn Zayd – ou Zayd Ibn Ka`b – (Radhiallahu anhu):

L’ Envoyé de Dieu (sallAllahou alayhi wa salam) épousa une femme de la tribu des Banû Ghifâr. Une fois qu’il fut introduit dans sa chambre, qu’il eut déposé ses vêtements et se fut assis sur le lit, il remarqua une tâche
blanchâtre sur un de ses flancs. Il s’écarta alors d’elle et lui dit : « Rhabille-toi ! ».
Or, il ne reprit rien de ce qu’il lui avait donné.
 

  • Mâlik et ad-Dâraqutnî (rahimahullâh) rapportent d’après ‘Umar (Radhiallahu anhu) le propos suivant :

« Toute femme qui a induit son mari en erreur en lui cachant qu’elle était démente ou lépreuse, a droit à la dot après consommation du mariage ; toutefois elle est redevable d’une indemnité à son mari. »
 

Cependant, ceux-ci divergent sur les vices susceptibles d’être cause de dissolution du mariage : Abû Hanîfa (rahimallâh) spécifie la castration et l’impuissance; Mâlik et ash-Shâfi’î (rahimahullâh) ajoutent la démence, la lèpre, l’éléphantiasis [ Sorte de lèpre qui couvre la peau de rugosités analogues à celles de la peau de l’éléphant (ndlt)] et l’occlusion vaginale Ahmad complète par la femme qui n’a pas de périnée.

La vérité sur cette question

À dire vrai, ces deux avis ne nous satisfont ni l’un ni l’autre, car la vie de couple basée sur la quiétude, l’affection et la compassion des conjoints, ne peut prospérer lorsque l’un d’eux présente un défaut ou une maladie qui rebute l’autre, les maladies et les défauts ingrats rendant le mariage inapte au but pour lequel il a été institué. C’est pourquoi le Législateur Suprême, à savoir Dieu (azwadial), a permis aux deux époux d’avoir le choix entre accepter le mariage et refuser celui-ci.
 

L’imam Ibn al-Qayyim (rahimallâh) a apporté des précisions utiles à ce sujet lorsqu’il a dit :

« La cécité, le mutisme, la surdité, le fait qu’il ou elle ait les mains coupées ou les pieds coupés ou l’un des deux, sont les défauts cachés au conjoint parmi les plus rebutants ; les taire constitue une manœuvre frauduleuse et une tromperie des plus détestables.

En outre, c’est un acte contraire à la religion. Le Commandeur des croyants, ‘Umar Ibn al-Khattâb (Radhiallahu anhu) dit à un homme atteint de stérilité qui venait d’épouser une femme : « Dis-lui que tu es stérile, et accorde-lui un droit d’option. » Le Commandeur des croyants (Radhiallahu anhu) aurait-il dit autre chose pour des défauts plus graves ? »
 

 Puis Ibn al-Qayyim continue :

« L’analogie veut que tout vice ayant pour nature de repousser les conjoints l’un de l’autre, et rendant le mariage inapte aux buts pour lesquels il a été institué, comme la compassion et l’affection entre les époux, implique nécessairement un droit d’option. […] »
 

Yahyâ Ibn Sa’îd al-Ansârî rapporte d’après Ibn al-Musayyib (rahimallâh) le propos suivant : « ‘Umar (Radhiallahu anhu) a dit :

 » Tout mari qui épouse une femme atteinte de démence, de lèpre ou d’éléphantiasis, puis consomme le mariage et découvre le vice caché, doit lui verser sa dot pour avoir eu une relation avec elle , ceci dit,
il incombe au tuteur matrimonial de verser une indemnité au mari équivalente au dommage
qu’il a subi, à raison de la fraude dont il est l’auteur. » »
 

Ash-Sha`bî (rahimallâh) rapporte d’après ‘Alî (Radhiallahu anhu):

« A droit d’option tant qu’il n’a pas consommé le mariage, tout mari qui épouse une femme atteinte de lèpre ou de démence ou d’éléphantiasis ou d’une occlusion vaginale : soit il la retient s’il le désire, soit il la répudie.
S’il a consommé le mariage, elle a droit à la dot à raison de la relation conjugale qu’il a eu avec elle. »
 

Wakî’ rapporte d’après Sufyân ath-Thawrî, d’après Yahyâ Ibn Sa’îd (rahimahullâh), qui le tient lui-même de Sa’îd Ibn al-Musayyib (rahimallâh), que ‘Umar a dit (Radhiallahu anhu):

« Si un homme épouse une lépreuse ou une aveugle et consomme le mariage, l’épouse a droit à la dot, mais le mari peut exiger de celui qui l’a trompé qu’il lui verse une indemnité. » Puis Wakî’ fait ce commentaire :
« Ceci montre que ‘Umar n’a pas voulu énumérer ces vices cachés de façon exhaustive ou exclusive. »
 

C’est aussi le jugement qu’a rendu Shurayh (rahimallâh), « le Cadi de l’islam », lequel fut un exemple en matière de science, de pratique religieuse et de justice. Un homme qui avait un différend avec un autre prit Shurayh à partie, et lui dit : « Il prétendait qu’il me marierait à la meilleure des personnes, et il m’a marié à une aveugle ! » Shurayh répondit :  » S’il a voulu te tromper en cachant un vice. cela n’est pas permis. » [ Rapporté par ‘Abd ar-Razzâq, d’après Ma`mar, d’après Ayyûb, d’après Ibn Sîrîn]

On voit donc que jugement de Shurayh (rahimallâh) implique que tout vice caché chez une femme confère à son mari le droit de résilier le contrat de mariage.

Az-Zuhrî (rahimallâh) a dit : « Il y a lieu à résiliation du mariage pour toute maladie grave. » […]


Tout ce que nous avons dit jusqu’alors concernait le cas où le mari ne fait pas de stipulation particulière lors du contrat de mariage ; maintenant, s’il pose la condition que sa conjointe soit saine, belle, jeune, blanche ou vierge, et qu’elle ne l’est pas, il est fondé à dissoudre le mariage pour tous ces défauts.
 

Si la dissolution intervient avant la consommation du mariage, le mari ne doit pas la dot, si elle intervient après, l’épouse y a droit, mais le mari peut exiger du tuteur, si ce dernier est l’auteur de la tromperie, qu’il lui verse une indemnité.

Si c’est l’épouse qui en est l’auteur, elle n’a pas droit à la dot. Si la dot a déjà été versée et qu’elle est en possession de l’épouse, celle-ci est redevable de la dot à son mari. Telle est l’opinion défendue par l’imam Ahmad (rahimallâh) dans une des deux versions qui lui sont attribuées ; c’est aussi l’opinion la plus conforme à l’analogie et aux principes de l’imam quand la stipulation est le fait du mari. […]

Or, les principes posés par l’imam (rahimallâh) impliquent qu’il n’y ait pas de différence entre la stipulation de l’époux et celle de l’épouse. Disons même que l’épouse est plus en droit de bénéficier du droit d’option en cas d’erreur sur les qualités du mari, celle-ci n’ayant pas pouvoir de répudier comme lui.

En effet, s’il est permis au mari de dissoudre le mariage en tel cas, en plus du droit qu’il a de se séparer de sa femme par d’autres moyens, à plus forte raison doit-il être permis à l’épouse de pouvoir le dissoudre en tel cas, elle qui n’a pas pouvoir de se séparer de son mari par un autre moyen.

On en conclut qu’il est permis à une femme de dissoudre le contrat de mariage en cas où le mari est affecté d’un défaut qui, même s’il ne remet pas en cause sa religion ni sa dignité, empêche celle-ci de jouir pleinement de lui.

Par conséquent, si elle stipule qu’il doit être jeune, beau, sain, et qu’il s’avère être vieux, laid, aveugle, sourd ou muet, de quel droit lui imposerait-on cet homme et l’empêcherait-on de dissoudre le contrat ? Voilà qui serait totalement contraire à l’analogie et aux principes de la Loi révélée.

Puis Ibn al-Qayyim (rahimallâh) conclut : « Est-il logique que l’on permette à l’un des deux conjoints de demander la dissolution du mariage pour une tâche de lèpre infime, et que l’on interdise sa dissolution pour une gale aggravée, alors qu’il s’agit d’un cas plus dangereux ? Et ainsi de suite pour les autres maladies incurables. […]

Pour Abû Muhammad Ibn Hazm (rahimallâh), si le mari stipule que sa femme doit être exempte de vice et qu’il en découvre un, le mariage est nul et non avenu : il n’a ni droit d’option pour vice, ni obligation d’entretien, ni droit de succession.

C’est ainsi qu’il a dit : « En réalité, celle qu’on lui amène n’est pas celle avec laquelle il s’est marié, car une femme saine n’est point une femme malade et s’il n’est pas marié avec elle, il n’y a donc pas mariage entre eux deux.»

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